Lors du week-end des 19 et 20 décembre 2015, le Conseil français du culte musulman organisait deux journées portes ouvertes dans les mosquées : il m’a paru important de répondre à cette invitation et d’aller boire le thé de la fraternité. D’abord pour affirmer, avec celles et ceux qui répondraient aussi à cet appel, que je ne fais pas l’amalgame entre une bande d’assassins se réclamant d’un islam dévoyé et l’ensemble des pratiquants de cette religion ; que je refuse de suspecter d’un quelconque soutien l’ensemble des émigrés de culture musulmane qui, ni pratiquants ni même croyants, vivent avec nous sur ce morceau de terre que l’on nomme la France.
Palais du Golestan, ThranEt puis, j’ai tant de souvenirs de l’accueil qui m’a été fait au Maroc, des rencontres chaleureuses, des séparations difficiles quand il me fallait partir… Ma vie a fait que j’ai pu partager des moments simples avec une famille habitant au coeur de la médina de Fès : une balade au marché avec Suad, une matinée à l’aider à pétrir le pain à la maison, et toujours en tentant d’apprendre quelques mots dans nos langues si éloignées l’une de l’autre ! Les souvenirs de nos rires et de la galette encore chaude offerte le jour de mon départ, enveloppée dans un linge brodé gardé depuis comme un bien précieux, sont inscrits en moi… Aussi, lorsque je suis entrée dans la vaste salle de prière nantaise, j’ai refoulé mes larmes avec peine : la conscience de la violence du coup porté se mêlait à ces souvenirs émus…
Les tables étaient garnies de gâteaux au miel et le thé nous était servi avec un sourire de bienvenue et de remerciement. En cette fin de matinée de ce samedi un peu particulier, nous étions une cinquantaine de personnes aux cheveux très majoritairement poivre et sel… Des personnes qui, comme moi sans doute, avait eu le temps de voyager, de connaître et de s’interroger sur le pourquoi de la montée de la haine de notre culture et de notre façon de vivre, la montée de l’incompréhension et de la peur. Les jeunes se comptaient sur les doigts d’une seule main qu’ils soient musulmans ou d’une autre religion quelle qu’elle soit. C’était l’occasion d’échanger avec l’iman et le président de l’association culturelle gérant du lieu en me joignant aux petits groupes formés spontanément. Je retiendrai des propos de l’iman, l’assurance de l’accueil au sein même de la mosquée de chacune et de chacun, croyant ou non croyant en Dieu : celui du Livre commun aux deux autres religions chrétienne et juive.
Un message de paix et de douceur tel que l’on souhaiterait toujours l’entendre sortir de la bouche de personnes en charge de prêcher l’essence de leur religion. En condamnant les terroristes comme des délinquants ignorants de la foi musulmane, le président rappelle que l’islam s’ancre sur la reconnaissance de la lignée de tous les prophètes cités dans la Bible, dont le Christ, qui ont précédé Mohamed. Un discours éclairé et intelligent qui n’a pas fait l’impasse sur le fait que peu nombreux sont les pratiquants fréquentant la mosquée qui comprennent la parole de l’iman prêchant en arabe classique puis en français… Comme le latin dans nos églises n’était compris que par les initiés, l’arabe classique n’est pas compris par les personnes qui s’expriment dans les dialectes marocain, algérien etc et ne maîtrisent pas suffisamment sans doute la langue française… Alors la question est venue, sachant l’absence de clergé musulman, de l’importance du rôle d’instances véritablement représentatives de l’islam en France et de l’identification d’une autorité gardienne de la transmission de la bonne parole des imans afin de s’assurer que tous soient aussi paisibles que celui que j’ai rencontré…

Martine