Eglise et sexualité. La revanche de l’Eros

A propos de la conférence d’André Paul

   Saluons tout d’abord la modernité de ce jeune vieux monsieur (83 printemps), historien et théologien émérite, qui, prenant acte du légitime besoin d’affranchissement et d’épanouissement de nos sociétés modernes, s’emploie à remettre en cause, démonter le mécanisme d’une oppression, celle d’une morale dite « catholique » en perpétuel contrôle de nos sexualités., et de ce fait à réhabiliter l’Eros (amour charnel) injustement disqualifié.
    C’est donc sur l’histoire que ce spécialiste des textes anciens va s’appuyer pour déconstruire ce qui paraissait fondé de droit divin. Il nous rappelle sur quels mythes repose ce qui deviendra doctrine et code moral.
Il faut savoir que la pensée chrétienne se situe d’abord dans le prolongement de la pensée antique. Platon et les philosophes de son époque cherchant à réguler les puissances brutes de l’Eros (en vue de la Cité Idéale) avait proposé dans le Banquet, une vision humaniste de la Genèse avec l’origine simultanée des couples, du sexe et de l’Eros, où les partenaires (homme et femme, homme et homme, femme et femme) pouvaient fonctionner sur la base d’une égalité radicale, sans la moindre disparité ni dépendance.
Ce n’est pas ce qu’ont retenu les héritiers (Philon en tête) de la pensée platonicienne. Ignorant le mythe originel de l’hermaphrodite, ils ont privilégié la vision créationniste , c’est-à-dire successive et hiérachisée : homme/femme/animal, impliquant de ce fait, la nature inférieure de la femme et son rôle secondaire.
Dans ce rapport biaisé à l’Eros et au couple, la pensée philosophique est devenue argument théologique (la « nature » et le « plan de Dieu ») que les Pères de l’Eglise vont encore radicaliser en assignant au genre, un destin :
Au masculin, le pouvoir et la suprématie, l’accès à « l’âme ».
Au féminin, l’infériorisation, la soumission et la diabolisation.
Sa seule finalité est la procréation qui devient parallèlement le seul but de l’union charnelle, ainsi sauvée de la « pornéia » c’est-à-dire la débauche. L’Eros n’a plus qu’une fonction restrictive et procréative. C’est dans cette perspective que se sont situés les papes jusqu’à nos jours, instituant cet irréaliste paradoxe de « l’union chaste » entre les époux, renvoyant au néant et au péché tout ce qui ne s’inscrit pas dans le but de la procréation (en particulier l’homosexualité).
Voilà pour le constat, éminemment calamiteux pour la femme, et finalement préjudiciable aux deux sexes, tous deux prisonniers du même carcan.

   Ceci démonté, démontré, place à l’annonce, la Bonne Nouvelle.
Dans nos sociétés de plus en plus laïcisées, voici que se manifeste un irrésistible besoin d’affirmation de soi, au-delà de la pression des clercs, de la peur et des interdits.
Voici que se fait jour, dans le meilleur des cas, un nouvel humanisme qui réalise et valorise l’union charnelle entre les personnes, dans un retour à l’unité originelle.
Et voici encore qu’à l’opposé du « tout sexuel » qui ont longtemps disqualifié les couples de même sexe, on reconnaît, on légalise la dimension amoureuse de leur union.
Voilà ce qu’André Paul appelle « la revanche de l’Eros ».
   Et pour tous ceux qui ont souffert dans leur chair et dans leur foi, la Bonne Nouvelle est qu’entre Dieu et le sexe, il n’y a pas à « choisir. » Pourquoi ne pas se réclamer d’une « conception chrétienne de l’hédonisme » et réclamer en même temps du Magistère, une « doctrine évangélique de l’Eros »?
Voilà qui serait au moins dans la logique d’un Dieu qu’on a voulu « incarné »!

Reprise et synthèse par Madeleine

Documentation :
1- Le texte de la conférence tenue à Nantes le 10 février 2017 à Nantes
2 –  » Eros enchaîné – Les chrétiens, la famille et le genre »
par André PAUL (Albin Michel)