Fantastique.
Selon le dictionnaire, cet adjectif a plusieurs définitions :
1 – Chimérique, né de l’imagination, irréel.
2 – Bizarre, surnaturel.
3 – Qui sort de l’ordinaire, étonnante, incroyable.
Quelle est la définition qui a donné lieu au titre de ce film et décrire ainsi son héroïne ?
En quoi Marina, parce que transgenre, (rôle joué par Daniela Vega une actrice trans elle-même) peut-elle être qualifiée de chimérique, irréelle, bizarre, surnaturelle ou incroyable ?
Avec son compagnon Orlando vivant, Marina était une femme comme les autres qui vivait, qui chantait, qui aimait. Etre avec Orlando légitimait en quelque sorte son genre féminin. Mais, quand il décède brutalement, c’est son existence en tant que femme même qui va aussi être brutalement remise en cause par les autres. Elle n’est plus que trans, femme certes mais avant tout une femme trans. A partir de là, en plus de la douleur, en plus de son deuil à accomplir, elle va devoir à nouveau se confronter à la transphobie ambiante que ce soit celle de la société, de l’administratif, de la famille du défunt, de la police, du milieu médical,…
Parce que différente, parce que trans, elle pourrait pourquoi pas être coupable de la mort d’Orlando. La disparition d’Orlando va alors renvoyer Marina à une situation de rejet, d’humiliation et de discrimination sans doute rencontrée auparavant mais que sa vie avec Orlando avait réussi à masquer, à atténuer, à « normaliser », à banaliser. Mais comme il n’est plu…
Même se promener seule la nuit va devenir dangereux, inquiétant pour Marina.
Trans donc possiblement coupable, alors, chacun que marina va rencontrer pendant les jours suivant le décès de son compagnon va pouvoir en profiter pour assouvir ses soifs de voyeurisme, de perversions telles les attitudes de la commissaire chargée d’enquêter sur le décès d’Orlando et du médecin de la police. Un médecin qui imposera à Marina une séance de photos à nu choquantes, humiliantes soit disant pour les besoins de l’enquête… Trans donc pourquoi pas coupable et la famille du défunt va trouver là l’alibi idéal pour la rendre responsable et sans avoir pour elle un zest de compassion, d’empathie ou de soutien. Tant que Marina n’était pas connue de la famille, elle ne dérangeait ; elle vivait avec Orlando mais au loin. Mais là, elle devient (malheureusement) présente, réelle pour eux, trop réelle et vient déranger les apparences, les « belles » normes familiales,… D’ailleurs, l’arrivée de Marina en pleine cérémonie d’obsèques à l’église (où on lui avait fortement suggérer de ne pas mettre les pieds…) provoquera même les pleurs de l’enfant qu’Orlando a eu avec sa compagne précédente.
Dans cet univers nauséabond, seul le chien que même la famille voudrait lui soustraire semble compatir à son chagrin et, lui seul, à sa façon, a des gestes réconfortants pour Marina.
Retrouver la voie du chant et sa voix lui fera peu à peu reprendre pied dans sa vie, dans son genre que les événements avaient tellement mis à mal.
Le regard que le spectateur pose sur le film, sur le rôle de Marina, sur l’actrice elle-même est aussi, à mon avis, fortement influencé par la transidentité de l’actrice et de la façon dont soi-même on perçoit, on comprend ou on vit cette différence. Pour certains spectateurs elle sera effectivement la femme « fantastique » du titre car sortant de l’ordinaire, bizarre, irréelle ou chimérique. D’autres passeront le film à scruter son visage, ses attitudes, son comportement à la recherche de traces de masculinité qui puisse les rassurer oubliant qu’eux-mêmes sont faits de féminin et de masculin.
A chacun de trouver la définition de l’adjectif « fantastique » qui lui conviendra à moins que ce ne soit juste l’histoire du deuil d’une femme, un épisode de la vie d’une femme tout simplement.

Téo