En ce 2 février 2019, la commission diocésaine « S’accueillir » a permis ce bel aboutissement tant espéré en provocant une rencontre avec les associations homosexuelles à aspiration chrétienne et spirituelle. Et je dois dire Merci au nom de tous les anciens et les anciennes qui ont tant travaillés pour ce qui arrive aujourd’hui arrive.
« David et Jonathan » depuis 1972. « Réflexion et Partage » depuis 2000. Au nom de tous et toutes, dont certains sont partis ou sont décédés, Merci.
« S’accueillir » a tout compris et fait la part entre deux mondes qui se croient différents en ajoutant le « S » devant « accueillir ». Le petit « S » qui fait la différence est le : « mieux comprendre le vécu des personnes et de leur famille et aider les membres de la communauté chrétienne à mieux estimer les personnes, les intégrer dans leur propre Eglise et avancer ensemble sur le chemin de foi. »
Avec « Réflexion et Partage », nous n’avions que cet objectif en tête et au cœur. Quelle avancée que cette réalisation effective ! Mais qu’en sera-t-il pour les autres diocèses qui ne mettront pas le petit « S » si essentiel ?
A la réunion, je me suis permise d’exprimer mon inquiétude à ce sujet, en deux phrases ce fut difficile, en voici la totalité :
« Au synode des Evêques sur les jeunes en octobre dernier, c’est la question de l’accueil des personnes homosexuelles dans l’Eglise qui a causé le plus de résistance (65 voix contre), quand il ne s’agissait que de rejeter toute discrimination ou violence sur base sexuelle et de favoriser la mise en place de parcours d’accompagnement dans la foi des personnes homosexuelles. » – La Croix 29 octobre 2018
Ma question et ma crainte se trouvent dans cette recommandation, elle-même validée par tous les autres évêques.
« Le parcours d’accompagnement dans la foi… »
Magnifique avancée bien évidemment, après les « parcours de la guérison, de pardon ou d’exorcisme » qui ont déclenchés tant de décompensations psychologiques et de suicides, mais je reste méfiante par rapport à cette mise en place car je m’interroge : pourquoi une personne homosexuelle chrétienne aurait-elle besoin, plus qu’une autre personne chrétienne, d’un accompagnement dans la foi ? Et si je me fais accompagner dans ma propre foi, ce sera en tant que fille de Dieu et pas en tant que personne homosexuelle. Ne puis-je pas, moi aussi, accompagner mes frères et sœurs dans la foi ?
« S’accueillir » a compris cela et « s’accompagner » serait donc le mot juste.
Pourquoi ?
Le mot « Accompagnement » peut dissimuler d’autres objectifs secrets bien-pensants, et être orienté par des projets inconscients collectifs ou personnels. Avec humour, je vous copie des phrases de ma poétesse préférée, Marie Noël, écrites en 1936 certes, mais applicables dans certains milieux encore :
« Il y a dans le catholique un être satisfait, supérieur – celui qui possède la vérité – plein de sécurité et de certitude. S’il s’incline vers l’autre pensée – il s’incline – c’est pour la sauver, c’est-à-dire la circonvenir, la séduire, la gagner à Dieu. Elle n’est pour lui qu’un objet de compassion ou de conquête. Il l’aime par miséricorde. Il la méprise par foi. Aucun échange possible. Un catholique donne. Il ne reçoit pas. »
(Marie Noël – Notes intimes)
Sous le mot « Accompagnement » peut se dissimuler :
Une pastorale : mener et ramener le troupeau perdu
Une tutelle
Une compassion : se pencher vers
Une guidance : guider les pas de l’autre, le mener dans le droit chemin, en tout cas le sien
Un patronage : prendre par la main
« Accompagner la souffrance » sans partager le bonheur, les découvertes et les talents.
Il peut y avoir pour tout humain, catholique inclus, cette manière égocentrée d’aider l’autre et de compatir à sa souffrance qui revient à le réduire à l’image que l’on s’en fait. C’est le piège de la compassion (je l’ai vécu quand j’étais jeune infirmière). On peut prétendre savoir ce qui est bon pour l’autre et on peut essayer de le réaliser malgré lui, l’autre, dans ce cas-là, est aliéné. Il devient le miroir de nous-mêmes.
Être accompagné ? Oui, dans notre réalité propre de façon inconditionnelle et partager la foi ensemble. Accompagner, non pour « soulager » cette vocation à l’amour qui est notre homosexualité, mais aider à la dévoiler pour « faire naître » en l’autre. Encore une fois, la commission diocésaine a tout compris et avec elle, le mot ACCOMPAGNEMENT a tout son sens.
Un accompagnement spirituel, c’est l’accompagnement du spirituel où il y a deux personnes semblables s’unissant dans le spirituel.
La joie spirituelle est mutuelle. La souffrance spirituelle est mutuelle.
Le pardon est mutuel. La fécondité est mutuelle. La compassion et l’accompagnement sont mutuels.
J’ai la crainte que l’accompagnement de l’Eglise catholique, dans certains diocèses, soit « se pencher vers » plutôt que « l’art d’être avec ».
Je vous offre en cadeau cette magnifique phrase d’Henri Nouwen :
« Être le bien-aimé, être la bien-aimée est la vérité centrale de notre existence, vérité la plus intime de tous les êtres humains qu’ils appartiennent ou non à une tradition. N’est-ce-pas cela s’aimer ? Nous donner l’un à l’autre le cadeau de notre condition de bien-aimé ? »
Encore Merci.

Sophie