Eglise et homosexualité
Les lourds secrets du vatican

(Recension de l’émission de France culture du 15 février 2019 *)

Frédéric MARTEL, écrivain*, sociologue et journaliste, est l’invité de France culture, pour parler de son dernier ouvrage : « SODOMA, enquête sur le Vatican« . Il y dénonce l’hypocrisie du système ecclésiastique qui diabolise l’homosexualité alors que les dignitaires seraient en majorité homosexuels. Il est rejoint en seconde partie d’émission par Virginie RIVA*, journaliste, ancienne correspondante à Rome et Henri TINCQ* , vaticaniste, ancien chef de la rubrique religieuse au « Monde ».

Il est très largement question, ces temps derniers , de la morale sexuelle de l’Église entre crime et scandale, et ce n’est pas la première fois que le sujet de l’homosexualité pratiquée par certains clercs est abordé (le « lobby gay » dénoncé par Benoît XVI), mais l’enquête de Martel qui porte sur 4 années d’immersion dans le milieu, avec les confidences d’une quarantaine de cardinaux, une centaine de prêtres, et dans une trentaine de pays, soit au total 1500 personnes, révèle une homosexualité massive (85 %) à la tête du Vatican (collège cardinalice et entourage du Pape.)
On avait eu connaissance des soirées gay (sexe et drogue) présentées comme des dérives marginales, mais ce qui est resté dans l’ombre et qui interroge, c’est l’ampleur du phénomène, sa banalité et sa constante dissimulation, comme pour la pédophilie.
Et à ce propos, il y a lieu, insiste Martel, de refaire la distinction. Contrairement à la pédophilie qui reste un abus, l’homosexualité en soi (sans rapport de domination ni hiérarchie) n’est pas un « mal », c’est une orientation, une possibilité offerte à tout être humain.
Il ne s’agit pas dans cette enquête de « outer » des prêtres, mais de dénoncer tout un système, lequel relève de l’étude sociologique (entre autres : la façon dont sont recrutés les prêtres et la relation homosexualité/ montée dans la hiérarchie)
Ce qui fait problème, ce n’est pas l’homosexualité mais le silence qui l’entoure.

Pourquoi un tel silence justement ?

La plupart des prêtres interrogés dans un éventail de 75 à 95 ans (et supposés homophiles et chastes) sont issus de la culture des années 50, culture du déni et de la double vie.
On ment aux autres, on se ment à soi-même.
On peut parler d’omerta dans un silence qui arrange tout le monde, mais il est abusif de parler de « lobby gay ». La plupart sont des victimes qui luttent contre leur propre singularité.
Il s’agit plutôt de « mille petits placards », chacun souhaitant garder son petit secret. Attitude favorisée par la culture du silence au coeur même du Vatican (élections, archives, informations, décisions). Le secret pontifical est partout et même renforcé dans les années 2000 avec l’émergence de la pédophilie.
C’est précisément cette culture du silence qui, selon Martel, a favorisé l’extension et l’impunité des actes pédophiles, car, selon lui, ceux qui ont protégé les pédophiles craignaient d’être eux-mêmes dénoncés comme homosexuels. Ce serait cette double compromission qui a fait perdurer les abus.
Pour Martel, l’homosexualité cachée est la clé de toutes les distorsions au sein de l’Église.  C’est d’abord ce qui a engendré tant de pseudo-vocations dans les années 5O (le « paria » pouvant devenir « l’élu ») la preuve en est avec cette baisse dramatique du recrutement, les jeunes homos ayant à présent d’autres options que la prêtrise.
C’est surtout ce qui explique la rigidité de ses prises de position en matière de sexualité et de famille : « plus l’homosexualité est refoulée, plus l’homophobie est doctrinale » (« les plus durs sont ceux qui ont une faille intérieure »… la haine de soi…)
Bref un système gay qui tient un discours homophobe, avec tout ce que cela suppose de schizophrénie, double vie, hypocrisie. Les mots mêmes du Pape FRANÇOIS pour fustiger le noyau conservateur.
Ce cléricalisme enfin (à rapprocher du stalinisme qui protège à tout prix l’institution, la raison d’état primant sur la vérité) n’est plus tenable. Et comme l’a dit le Pape FRANÇOIS lui-même : « Le carnaval est fini ! »

Face à la thèse de MARTEL, la journaliste Virginie RIVA, tout en reconnaissant la « misogynie abyssale » du Vatican, pense que le « prisme de l’homosexualité » ne saurait rendre compte de tout. Il faut cadrer plus large. Ce que demande en priorité le Pape FRANÇOIS, c’est une « Eglise pauvre parmi les pauvres » (cf sa prise de position envers les migrants)
Le vaticaniste TINCQ réfute le lien entre l’homosexualité cachée et la protection des pédophiles, il exprime pour le reste sa stupéfaction et son dégoût, et pense que l’Église est à la veille d’une révolution interne qui explosera le système. Sur ce point, V. RIVA est plus réservée…

Affaire à suivre donc…

Transcription et synthèse de Madeleine

* « Le rose et le noir : les homosexuels en France depuis 1968 » paru en 1996

* Auteure de : « Ce Pape qui dérange » (2017)

* Auteur de : « La grande peur des catholiques »

https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/eglise-et-homosexualite-les-lourds-secrets-du-vatican