Un samedi nantais sans gilets jaunes ni odeurs de lacrymo dans l’air, cela faisait plusieurs mois que les passants n’avaient pas connu cela. Aujourd’hui, samedi 1er juin 2019, la mode est à la couleur arc-en-ciel et l’atmosphère a le parfum de l’été. Au village associatif où D&J Nantes a planté son stand, les parapluies de l’an dernier ont laissé la place aux parasols et aux ombrelles. Mais, je vais vous laisser savourer l’article de Camille pour vous conter tout ce qui s’est passé sur le stand pendant cette journée. J’ajouterai juste que nous avons eu la visite amicale de la maire de Nantes lors de son passage au village avant la Marche.
En ce début d’après-midi, dans le tohu-bohu d’une sono assourdissante, les chars se préparent tandis que Ramin papillonne à droite à gauche libre, heureux et émerveillé par sa toute première Marche des Fiertés française. En guise d’apéritifs, viennent les discours officiels quasiment inaudibles évoquant les acquis de hautes luttes et les batailles à venir qui justifient que soyons encore là.
Déjà les moteurs des chars vrombissent sonnant l’heure du départ de la parade. Un marchand ambulant de colliers de fleurs d’arcs-en-ciel parcourt la chaussée à la recherche de clients. Les drapeaux multicolores s’élèvent vers le ciel ondulant au rythme de la musique ou viennent se poser sur les épaules des marcheurs.
En cette année particulière où l’on commémore les 50 ans des événements de Stonewall déclencheurs de la première marche pour la défense des droits des personnes LGBTI+, je m’attendais à un état d’esprit plus militant que festif dans les slogans, dans les pancartes, dans la musique pour rythmer le défilé. Malheureusement, ce sera rien ou très peu de tout cela. L’impression qu’un immense dance floor urbain a pris le dessus sur l’esprit originel. Même si l’esprit festif ensemble, réunis, unis fait partie prenante de la lutte, de nos combats. Certes les choses ont bien changé et bien évolué depuis ce funeste jour de juin 1969. Oui, nombre de droits ont été gagné avec ténacité et obstination mais il reste encore du boulot ici en France (PMA, agressions LGBTophobes, droits propres aux personnes trans, la place des personnes LGBT+ dans les milieux religieux,…) et ailleurs dans le monde (application de la peine de mort dans trop de pays, LGBTphobies étatisées,…). Comme le dit le slogan de la marche de cette année : « nous avons toujours des murs à abattre. »
Loin des mes états d’âme, drag-queens et travestis se trémoussent sur les plates-formes et les dérailleurs avalent l’asphalte à coups de pédales. Chez Contact on brandit avec convictions des manifestes appelant au respect des personnes LBGT+ dans les familles et la société. Aucun intégriste extrémiste aux slogans venimeux ne sera venu cette année former un cordon « sécuritaire » autour de l’église St Nicolas. Auraient ils réfléchi depuis l’an dernier ? Compte tenu des événements de ce mois de mai à La Roche sur Yon, il convient de garder prudence et vigilance… A l’approche de la cathédrale, une jeune fille brandit une pancarte « J’ai rencontré Dieu, elle était  gay ! ». Dommage que je n’ai pas eu le réflexe de lui glisser un flyer de D&J qui aurait pu nous apporter une future adhérente qui c’est ?…
Le macadam surchauffé par les premiers rayons estivaux continue de dérouler sous nos pas. Le passage par la place Royale est l’occasion pour certains d’aller se rafraîchir dans la fontaine en exprimant leurs talents d’alpinistes drapeaux arc-en-ciel à la main. Un peu plus haut, la place Graslin nous attend pour un sitting mêlé de discours tandis qu’un gigantesque calicot arc-en-ciel nous observe suspendu au fronton du théâtre.
Mais déjà les drag queens sur leurs hauts talons perchés commencent à fatiguer et les danseurs de techno aspirent à se pauser à l’ombre. En revenant au village, nous croisons un groupe de personnes âgées en voyage valises à la main, sans doute à la recherche de leur car ou de leur hôtel. Une gêne certaine ombre quelques visages quand d’autres, affichant un large sourire amusé de toute cette joyeuse agitation bruyante et colorée, oseront même la photo souvenir ! Nous serons sans aucun doute l’objet de leurs conversations l’heure du dîner venu.
Nous retrouvons le stand en fin d’après-midi où nous attendent les accueillants qui nous conteront les visites de leur après-midi.
Ce samedi soir, Nantes ne s’endormira pas en dénombrant les vitrines brisées et le mobilier urbain brûlé mais comptera les arcs-en-ciel que, l’an prochain venu, nous reviendrons hisser fièrement dans ses rues. Enthousiasmé par l’expérience de la rencontre et de l’échange avec les visiteurs de ce jour, D&J Nantes viendra replanter son stand dans le village qui se devra de refleurir à nouveau car comme hier, aujourd’hui et demain, nous aurons toujours des murs à abattre.

Téo