C‘est l’histoire de deux vieilles dames (Madeleine et Nina) habitant sur le même palier et que l’entourage (la famille de Madeleine) voit comme deux gentilles retraitées se rendant mutuellement service.
En réalité il s’agit d’un vieux couple installé depuis longtemps dans le faux-semblant et qui sauve ainsi les apparences en attendant de réunir la somme qui leur permettra d’emménager ensemble dans un appartement à Rome, ville de leur rêve et de leur première rencontre.
L’une d’elles, Nina, la plus combative, pousse la plus timorée (Madeleine qui a été mariée) à révéler leur projet à sa famille et ainsi mettre à jour la nature de leur relation, ce que Madeleine n’arrive absolument pas à faire.
Blocage psychologique et conflit entre les deux femmes. Le film aurait pu continuer dans cette veine mais l’histoire, comme la vie parfois, bascule dans le drame avec l’AVC de la plus fragile.
Le combat de Nina va être de récupérer sa compagne que sa famille finit par éloigner dans un EHPAD.
Au thème de l’amour caché , se superpose celui de sa survivance par- delà les obstacles, la maladie et la séparation.
La critique salue, à juste titre, le traitement maîtrisé du sujet, son audace (les amours, la sexualité des seniors) et sa délicatesse, la mise en scène inspirée et le jeu des actrices.
Elle ne prend pas assez en compte l’ambivalence de la fin, qui ouvre tout un champ de réflexions.
Certes la pugnacité de Nina finit par payer, mais à quel prix ! Les deux amantes finissent par se retrouver mais barricadées dans un champ de ruines (appartement saccagé, cagnotte vidée)
Certes les unions homosexuelles sont devenues légales, mais dans le rapport aux familles tout reste à vivre au cas par cas. Ici, tout repose sur un conflit de sentiments et d’appartenance : la relation de la fille à sa mère primant évidemment sur celle de la « voisine », quand bien même serait-elle la « compagne ».
On ne peut que penser à ces couples d’avant le PACS, dévastés par le sida et l’intervention des familles ignorant et dépouillant le survivant.
Le film montre bien les ravages qu’entraînent la clandestinité et le porte-à-faux.
Nina est poussée à la violence, violence verbale envers son amie indécise (scène traumatisante en pleine rue). Poussée à l’illégalité : intrusion dans un appartement qui n’est pas le sien, dégradation volontaire d’une voiture, compromission avec une auxiliaire de vie stupide et cupide (à la clé : le cambriolage-représailles par le fils voyou) et enfin rapt d’une personne dépendante (Madeleine arrachée à la Maison de retraite)
On voit mal comment poussée à la faute et s’étant mise dans son tort, elle pourrait ensuite dénoncer et porter plainte.
Au final, deux femmes réunies mais démunies.
Le tragique est encore une fois au rendez-vous des amours non plus interdites mais encore taboues aux yeux des proches.
Au-delà du psychologique, le film a presque valeur de documentaire : il évoque avec réalisme la fin de vie, la dépendance, le pouvoir des familles et la difficulté d’assurer une relation amoureuse quand elle n’est ni socialement ni également soutenue et validée.

Madeleine